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DE L’IDÉAL

pour rien. Qui peut ici éveiller le sentiment esthétique ? où est l’idéal ?

Pourtant il est certain que ce réalisme n’est pas dépourvu de tout idéal, ni impuissant à éveiller en nous la moindre étincelle esthétique : car, sans compter le boucher et la cuisinière, qui savent fort bien dire : Voilà de belle ou de vilaine viande, et qui s’y connaissent ; sans compter le gastronome, qui n’est pas non plus insensible à la chose, il y a ici le fait même de l’œuvre photographique, l’un des phénomènes les plus merveilleux qu’il nous soit donné d’observer dans l’univers. Dites, si vous voulez, que le sentiment esthétique éveillé par cette représentation d’un quartier de boeuf est le plus bas degré que nous puissions observer de l’idéal, celui qui est immédiatement au-dessus de zéro ; mais ne dites pas que l’idéal fait ici absolument défaut : vous seriez démenti par le sentiment universel.

Au lieu d’une cuisse de bœuf, d’un gigot de mouton ou d’un jambon placé sur étal, mettez un oranger dans sa caisse, une gerbe de fleurs dans un vase de porcelaine, un enfant jouant sur un canapé : toutes ces images, espèces de calques créés par un artiste sans conscience, absolument insensible à la beauté et à la laideur, mais avec une perfection de détails dont aucun artiste vivant ne saurait approcher, seront des images réalistes, si vous voulez, en ce sens que l’auteur, à