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ÉVOLUTION HISTORIQUE

la question se pose aussitôt sur tes moyens à employer pour cette représentation.

Parmi les moyens, on distingue d’abord deux choses : — la réalité imitable et représentable, réalité presque toujours plus ou moins défectueuse ; — l’imagination, qui, à volonté, redresse, corrige, embellit la réalité, ou la fait grimacer, l’enlaidit, la déforme.

Le réel et l’idéal concourent alternativement,dans des proportions variables, au gré de l’artiste, et selon l’effet à produire ; ils font partie des moyens, c’est-à-dire de l’exécution, non des effets, non du but. C’est ainsi que dans la peinture, la couleur et le dessin concourent à l’œuvre, et font partie des moyens ; il est absurde d’imaginer un tableau fait tout entier de couleur ou tout entier de lignes ; bien plus absurde encore de faire une spécialité à un peintre de son aptitude à colorier ou à dessiner.

On se plaint, et on a mille fois raison, de la détestable critique actuelle. C’est le fléau des artistes, qu’elle décourage, assassine, quand elle devrait les éclairer ; vrai métier de chantage, d’iniquité. Grâce à cette critique sans principe, pour qui l’idée n’est rien, la patte et le chic tout, le public en est venu à ne plus se soucier des compositions, qu’il comprend d’autant moins que les artistes eux-mêmes ne se comprennent pas. On s’arrête au portrait et au paysage ; hors de là, néant.