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OU DE LA FACULTÉ ESTHÉTIQUE

ordinairement qu’une qui vous plaise : ce qui veut dire que les-habitudes de notre vie, notre éducation, nos idées acquises, notre tempérament, modifient notre clairvoyance esthétique, et réduisent pour chacun de nous à d’étroites limites le monde de la beauté.

c) Voici qui est plus triste encore : quelle que soit la vivacité première du sentiment, il ne se soutient pas. L’impression est fugitive ; avec l’habitude, l’admiration faiblit ;l’objet adoré devient vulgaire, insipide, déplaisant. Les manifestations de l’art sont comme des feux d’artifice, qu’on admire le temps d’une étoile filante, mais qu’on n’irait pas voir trois jours de suite, et auxquels beaucoup de gens se contentent d’avoir assisté une fois. De là refroidissement de lame, inconstance du cœur et versatilité. De là, après avoir exalté la dignité humaine par l’image du beau, nécessité de la fortifier contre la défection et les aberrations de l’idéal. L’homme en qui la faculté esthétique est déréglée, obligé de chercher sans cesse une nouvelle idole, change de goût, de modes, d’amis, de maîtresses, sans pouvoir se fixer jamais. Tel est le type de don Juan. Détestable travers, qui fait prendre en dégoût le travail, l’étude, la famille, le droit et le devoir, qui produit les vices les plus hideux et les grands scélérats.

d) Dernière observation : la beauté d’un objet peut être en général considérée comme le témoignage de