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PAR LES ESSAIS DE M. COURBET

la membrure, qualités essentiellement physiologiques, positives. Là-dessus, le vétérinaire, l’officier de cavalerie en savent autant que l’artiste le plus consommé. Lorsque le premier homme, tendant les bras à Eve, la proclama la plus belle des créatures, il n’embrassa pas un fantôme, mais la beauté en chair et en os. Ce qui a tait divaguer ici les métaphysiciens, c’est d’avoir pris une faculté d’aperception pour une faculté de création : de ce que nous avons, par privilège, la faculté d’apercevoir la beauté en nous-mêmes et dans la nature, ils ont conclu que la beauté n’existait qu’en notre esprit ; ce qui revient à dire que la lumière, n’existant pas pour les aveugles, est une conception des clairvoyants.

b) Sans doute le beau n’existe pas pour qui est incapable de le voir ;bien plus, les mêmes objets, quelle que soit leur beauté intrinsèque, n’excitent pas chez tous les hommes la même vivacité de sentiment. C’est un fait que je ne nie point et qu’il importe de relever. Que s’ensuit-il ? Que dans l’œuvre d’art, l’artiste met du sien autant qu’il emprunte à la nature ; en conséquence, que l’art, sans jamais pouvoir se dépouiller entièrement de toute objectivité, demeure néanmoins personnel, libre, mobile : enfin, qu’autant l’artiste montre de spontanéité et d’originalité dans son œuvre, autant le spectateur conserve, a son égard d’indépendance : d’où le précepte si connu : De gustibus et coloribus non disputamdum. Certes, il est des choses sur la beauté