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ÉVOLUTION HISTORIQUE

pas le moindre signe qui rappelle le sérieux, la dignité de la chose ; on entre là comme à l’estaminet, et l’on se met à écouter comme on se met à boire au cabaret.

Toute la justice était entourée de formalités qui étaient aussi de la poésie : cela est réduit à l’expression la plus simple.

Beaucoup de ces usages antiques ne peuvent se rétablir ; jadis sérieux et dignes, ils nous paraîtraient puérils et ridicules. Mais nous ne pouvons rester sans compensations. L’art, produit et excitateur de la conscience, naît avec l’homme et la société. Dès le premier jour il se révèle, non à titre ’de fantaisie, mais comme faculté sérieuse, manifestation essentielle de l’être, condition de sa vie ; il entre dans la réalité, dans l’intimité de l’existence ; l’art enveloppe comme d’un manteau de gloire l’humanité : c’est sa destinée ; c’est son but. Toute notre vie, nos paroles, nos actions, même les plus vulgaires, nos habitations, tout ce-que nous faisons, tout ce que nous sommes, appelle l’art et demande à être relevé par lui. C’est lui qui nous sauve de la grossièreté, de la banalité, de la vulgarité, de la trivialité, de l’indignité ; lui qui nous civilise, nous urbanise, nous polit, nous ennoblit.

On chantera un jour à la moisson, à la fenaison, à la vendange, aux semailles, à l’école, à l’atelier. Aujourd’hui nous ne chantons plus, si ce n’est des gaudrioles et de plates inepties ; nous haïssons les