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DU PRINCIPE DE L’ART

sance, mariage, funérailles, moissons, vendanges, combats, départ, absence, retour, rien n’arrivera, rien ne se fera sans cérémonie, poésie, danse ou musique. L’amant fait le portrait de sa maîtresse ; le mari couvre sa femme de bijoux, de tissus précieux ; le chasseur ne se contente pas de manger son gibier ; il s’entoure d’images de chevaux, de chiens, d’oiseaux et de bêtes fauves ; le chef de clan élève son toit sur des colonnes pareilles aux pins et aux chênes qui soutiennent la voûte sombre des forêts ; la table sur laquelle il prend son repas a des pieds de bélier ou de chèvre ; le vase qui contient sa boisson figure un oiseau dont le cou sert de goulot et le bec d’orifice. Sans cesse occupé de-se relever à ses propres yeux et aux yeux des autres, il soigne sa démarche, son vêtement et son langage, scandant ses discours, faisant des comparaisons et des paraboles, inventant un refrain, un couplet, une complainte, formulant ses sentences et parlant par apophthegmes. S’abstenir des façons grossières, des gestes choquants, des paroles de mauvais augure, est le premier devoir d’un homme bien appris. L'urbanité ou la politesse est le premier et jusqu’à présent le plus positif et le plus précieux des effets de l’art. Tout lui devient occasion ou prétexte : une colombe fugitive, un moineau mort, une mouche écrasée lui inspirent un chef-d’œuvre. Une fois lancée, l’imagination ne s’arrête plus : l’Océan en furie, le désert profond lui révèlent