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ÉVOLUTION HISTORIQUE

effort de bonne volonté, tournait la tête du côté du spectateur : yeux bleus et malins comme ceux de l’Amour, figure provoquante, sourire voluptueux ; elle semblait dire, comme les trotteuses du boulevard : Veux-tu venir me voir ?

Cette Callipyge est du réalisme, après tout, — je n’examine pas si elle est bien faite ; — et Courbet ne pourrait la renier si l’art n’avait d’autre principe que de reproduire ce qui lui plaît, sans considération de la fin sociale. Mais comment se fait-il que la police, qui refuse les tableaux de Courbet, ait admis cette immoralité ?

Toute peinture voluptueuse, dit-on, toute représentation du vice peut avoir, en dernière analyse, son utilité morale. Pourquoi ne pas admettre cette Callipyge au même titre que les Demoiselles de la Seine ?.— Pourquoi ? Parce que, dans ce dernier tableau, l’intention morale n’est pas douteuse ; parce qu’à côté du vice idéalisé le peintre a mis le correctif dans cette langueur désespérante qui ronge la malheureuse et qui fait entrevoir ses infortunes. Tandis qu’ici il n’y a aucun préservatif : c’est la Vénus vulgivague dans son triomphe.— Comment rendre une telle peinture morale ? Il n’y aurait eu qu’un moyen : c’était de lui mettre un chancre à l’anus. La syphilis et la débauche sont sœurs chez nous ; venez, jeunes gens, et voyez 1 voilà ce qu’il y avait à dire. Mais ici le dégoûtant et l’hor-