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ÉVOLUTION HISTORIQUE

gré d’intensité chez les Grecs, qui l’identifièrent avec leur religion. C’est contre cette idolâtrie que réagit saint Paul en lui opposant son spiritualisme. Le christianisme élève la religion bien au-dessus de l’art. Quant à la synthèse qu’ont essayée les artistes de la Renaissance, elle n’a pu longtemps se soutenir ; l’idée chrétienne baissant de jour en jour, chez les protestants aussi bien que chez les catholiques, le culte de la forme a repris son absolutisme et règne encore aujourd’hui.

L’école critique, en subordonnant la forme à l’IDÉE, ne peut tomber dans les méprises que nous reprochons aux artistes qui n’ont pas de principes. Sans nier aucunement le mérite de la beauté, qu’elle peut se donner le plaisir de chercher et de peindre, l’école critique la rend plus variable, plus significative, et elle fait sortir l’art de ce but étroit et puéril qui consistait à faire des figures sans idée, des corps sans âme. Parvenu à cette hauteur, l’art ne peut plus descendre : bon gré, mal gré, à l’avenir, il faut qu’il pense. L’idéalisme de la forme, bien plus tenace que le polythéisme, est définitivement vaincu ; il ne pouvait l’être que par l’idée.

La beauté ne sera ni avilie ni dédaignée. Seulement, il faut le reconnaître, elle ne règne plus seule ; elle partage avec l’idée, et sa prérogative n’est même pas la plus grande. L’idée peut subsister par elle-même et sans la beauté ; elle ne lassera jamais. La