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ÉVOLUTION HISTORIQUE

qu’habitent le travail sans distraction, la pauvreté sans fêtes et la tristesse désolée.

Des paysans, qui avaient eu l’occasion de voir le tableau de Courbet, auraient voulu l’avoir pour le placer, devinez où ? Sur le maitre-autel de leur église. Les Casseurs de pierres valent une parabole de l'Évangile ; c’est de la morale en action. Je recommande cette idée paysanesque à M. Flandrin : elle pourra l’éclairer dans ses compositions religieuses.


Les Demoiselles de la Seine.


La pauvreté vous chagrine ; ce labeur de cheval aveugle attaché au manège vous fait mal à voir. Vous admettez la tragédie, les infortunes éclatantes, le malheur héroïque ; mais vous demandez s’il est de la dignité de l’art de reproduire ces vulgaires souffrances On sait bien, dites-vous, que tout dans cette vie n’est pas rose et amour : nos hôpitaux, nos prisons, nos asiles, nos monts-de-piété, nos bagnes, sont les monuments gigantesques de nos douleurs. La peine, c’est chose acquise, tient plus de place en ce bas monde que la joie. Mais pourquoi les confondre ? Pourquoi empoisonner le peu qui nous reste de félicité en mêlant les images de l’une à celles de l’autre. L’art a pour mission de jeter un voile de consolation et de décence sur la face misérable du siècle. Rome, qui bâtit le