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ÉVOLUTION HISTORIQUE

l’œuvre de la nature et de la société, du crime peut-être ; mais précisément afin de conserver aux personnages la vérité, la vie, l’esprit de leur physionomie. C’est ce qu’a voulu dire Courbet, qui, s’il s’exprime souvent mal, s’entend fort bien avec lui-même, dans ce défi jeté par lui à ses adversaires : Vous qui vous chargez de peindre des César et des Charlemagne, sauriez-vous faire le portrait de votre père ?

Puis donc que l’idéal est essentiel à l’art, aussi bien d’après la nouvelle école que d’après les écoles antérieures, et que le réel ne figure chez toutes qu’à titre de matière brute, substance ou support de la forme, de l’idée, de l’idéal, ce n’est point du tout par son réalisme que cette école doit être définie ; c’est par la manière dont elle fait fonctionner à son tour l’idéal. L’art égyptien fut, en raison de son idéal, typique, symbolique, métaphysique ; l’art grec fut, par la même cause, idolâtrique, voué au culte de la forme ; l’art chrétien fut à son tour, de par l’Évangile, spiritualiste et ascétique ; celui de la Renaissance est un ambigu, moitié païen, moitié chrétien, d’un effet étrange ; l’art hollandais enfin, sorti de la démocratie et de la pensée libre, affranchi de toute mythologie, allégorie, idolâtrie, spiritualité, de tout respect hiérarchique ; acceptant le peuple pour sujet, pour type, pour souverain et pour idéal, a mérité d’être défini par nous art humain. Mais cette désignation, plus révolutionnaire que philoso-