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ÉVOLUTION HISTORIQUE

parez entre elles la Baigneuse et la Fileuse endormie. et vous vous apercevrez d’une chose : c’est qu’entre paysannerie et bourgeoisie le fond est absolument le même, mais que la différence des physionomies créée par les mœurs est énorme. Est-ce que cette épaisseur de lard ne vous semble pas, dans sa flasque matérialité, rendre la pensée de l’artiste mille fois mieux que ne pourrait faire la plus savante allégorie ? Ni le Raminagrobis de La Fontaine,

Ce chat faisant la chattemite,
Ce saint homme de chat,
Bien fourré, gros et gras ;

ni le rat, si joliment raconté par le même, qui, enfermé dans un fromage, s’engraissait à la ronde, n’approchent du type créé par Courbet. Ce chat et ce rat sont de l’apologue, des malices d’enfant ; l’autre est de la haute comédie.

Quand je dis bourgeoisie, il faut s’entendre. Ce n’est pas une classe de citoyens que j’entende vouer à la risée de la plèbe ; je ne fais pas ici de politique : c’est tout simplement un inconvénient de certaines habitudes que je dénonce. La théologie enseigne qu’il y a des grâces d’état ; il y a aussi des vices d’état. D’ailleurs il en est un peu de la peinture comme de la musique : chacun a le droit d’y voir ce que bon lui semble ; l’essentiel pour le peintre est que l’on y découvre quelque chose. Cette femme, que je vous présente ici