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ÉVOLUTION HISTORIQUE

d’assister aux obsèques d’un ami, d’un protégé défunt : tout cela n’indique-t-il pas une préméditation sacrilège ? Où trouver là le but, la pensée morale de l’art ?...

Eh bien, cette critique, qu’il est si aisé de charger, est la justification même de Courbet. En quel siècle vivons-nous ?demanderai-je aux hypocrites qui l’accusent. N’avez-vous jamais assisté à une cérémonie funèbre, et n’avez-vous pas observé ce qui s’y passe ? Nous avons perdu la religion des morts ; nous ne comprenons plus cette poésie sublime dont le christianisme, d’accord avec lui-même, l’entourait ; nous n’avons pas foi aux prières, et nous nous moquons de l’autre vie. La mort de l’homme aujourd’hui, dans la pensée universelle, est comme celle de la bête : Unus est finis hominis et jumenti ; et malgré le Requiem, malgré le catafalque, malgré les cloches, malgré l’église et tout son décorum, nous traitons les restes de l’un comme ceux de l’autre. Pourquoi des funérailles ? Pourquoi des sépulcres ? Que signifient ces marbres, ces croix, ces inscriptions, ces couronnes d’immortelles ? Ne vous suffit-il pas du tombereau qui, sur l’ordre de la police, prendra le corps et le conduira. à Montfaucon ?

C’est cette plaie hideuse de l’immoralité moderne que Courbet a osé montrera nu ; et le tableau qu’il en a fait est aussi éloquent quele pourrait être un sermon sur la même matière de Bridaine ou de Bossuct. Là.