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PAR LES ESSAIS DE M. COURBET

justifier cet article du budget par une définition intelligible de l’art et de sa fonction, soit dans les familles, soit dans la cité et dans le pouvoir. Pourquoi ne pas laisser les artistes à leurs affaires et ne s’occuper d’eux non plus que des bateleurs et danseurs de corde ? Peut-être serait-ce le meilleur moyen de savoir au juste ce qu’ils sont et ce qu’ils valent.

Plus on réfléchit sur cette question de l’art et des artistes, plus on rencontre de sujets d’étonnement. M. Ingres, — maître peintre comme M. Courbet, — est devenu, par la vente de ses ouvrages, riche et célèbre. Il est clair que celui-là au moins n’a pas rien travaillé que pour la fantaisie. Tout récemment il a été admis au sénat comme une des grandes notabilités du pays ; au signal donné par le gouvernement, les citoyens de Montauban, compatriotes de M. Ingres, lui ont décerné une couronne d’or. Voilà donc la peinture mise de pair avec la guerre, la religion, la science et l’industrie. Mais pourquoi M. Ingres, actuellement sénateur, a-t-il été réputé le premier parmi ses pairs ? Si vous consultez les hommes spéciaux, gens de lettres, artistes et critiques, sur la valeur artistique de M. Ingres, la plupart, sinon tous, vous répondront naïvement que M. Ingres, habile dessinateur, est le chef, très-discuté, d’une école tombée depuis plus de trente ans en discrédit, l’école classique ; qu’à cette école il en a succédé une autre qui, à son tour, a obtenu la vogue, l’école