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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

apogée, et la fraternité des races, conclut de là la décroissance intellectuelle, la fin de l’art et la dissolution de la société, nous sommes en droit de lui dire qu’il se jette dans la plus flagrante des contradictions [1]. Il suffit, pour le lui prouver, de le rappeler aux principes : l’idéal et l’IDÉE sont termes corrélatifs ; quand celle-ci est en mouvement, il est impossible que l’autre demeure inerte, et que la faculté qui sert à l’exprimer s’amoindrisse.

Mais il est un fait vrai, qui crée pour l’art, parvenu à ce degré de civilisation, la plus grande des

  1. Je ne puis croire que l’homme universel de Pascal, cet homme qui apprend toujours, qui amasse, qui ne meurt jamais, puisse vieillir et décroître. Il peut éprouver des tourmentes, des oscillations, des mouvements de hausse et de baisse ; mais dégénérer d’une façon continue, cela me paraît impossible, contradictoire même. — L’humanité aura sa fin, dit-on ; la terre, qui lui a servi de berceau, doit devenir aussi sa tombe. — Je puis admettre l’usure et la caducité de la planète, — chose que j’ignore ; je puis l’admettre ; parce que la planète n’est pas ESPRIT, {sc|CONSCIENCE}} et LIBERTÉ. Mais je conçois, dans ce cas, que l’humanité, soumise aux conditions d’infertilité du sol, diminuant sans cesse de population, finisse, pour ainsi dire, volontairement, non dans la décrépitude, mais dans une haute spiritualité. Arrivé à la perfection, l’homme doit finir. Parvenu au plus haut degré de conscience, d’intelligence, de liberté, de dignité, l’homme, en présence d’une nature épuisée, usée, rebelle, inférieure à lui ; l’homme, n’ayant plus à regretter sa carrière manquée, devenu DIEU, doit se mettre à l’unisson de la nécessité et léguer son âme à un monde plus jeune. L’Éternel a été glorifié en lui ; Dieu s’est incarné : que la planète, globe usé, pâli, roule désormais solitaire comme la lune, jusqu’à ce qu’elle se disloque, et que ses morceaux soient recueillis par d’autres mondes.