Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée
174
ÉVOLUTION HISTORIQUE

musique, sans compter qu’il est injuste de rendre l’art responsable de la sottise des dilettanti, cette critique serait peut-être fondée si la musique avait la prétention de suppléer à elle seule les autres arts ; si seulement elle affirmait sur eux sa supériorité, mais il n’en est rien : la musique a son existence à part, plus bornée que la peinture, parce que ses moyens sont moindres ; mais tout aussi parfaite en son genre : ce qui fait tomber à faux la critique de M. Chenavard. Il s’en faut, j’aime à le penser, que la musique ait trouvé de nos jours tout son emploi dans la société moderne ; elle est appelée, si j’ose ainsi dire, à un service plus sérieux et plus général ; mais il n’en est pas moins vrai que, dans la rétrogradation actuelle, elle soutient presque seule la retraite, et qu’au moment où j’écris, le dédain de l’art, surtout de la peinture et de la statuaire, serait bien autrement profond, si les esprits n’étaient retenus sur cette pente par le goût universel, bien que fort mal entendu, de la musique.

Non, l’art ne meurt point ; par conséquent il ne rétrograde jamais. Sans doute il ne forme plus, comme autrefois, l’avant-garde de la civilisation. L’art a cessé de devancer la religion, la science, l’industrie, la justice, mais il marche à leur suite, et quand M. Chenavard, après avoir constaté nos progrès, après avoir assigné à l'époque actuelle, comme son caractère propre, ces deux grandes choses, la science parvenue à son