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ÉVOLUTION HISTORIQUE

peu à peu le centre, et finit au cœur. Mais depuis longtemps, surtout chez le vieillard, la sensibilité s’est amortie, l’acuité des sens a disparu ; en sorte que la mort du cœur est le dernier acte d’une longue et progressive extinction. Ainsi en est-il de la vie morale : l’imagination, la mémoire, la tendresse de cœur, s’en vont l’une après l’autre ; la conscience ou le sens moral périt le dernier ; mais quand la fin arrive, il y a longtemps que la sensibilité esthétique, qui enveloppe pour ainsi dire toutes les autres facultés, s’est usée, et que l’homme est retombé dans la grossièreté animale. J’ai vu souvent rire de.cette effrayante idée de M. Chenavard ; mais je ne l’ai jamais vu réfuter par personne. Cependant le fait de notre décadence artistique subsiste ; personne ne le nie, et plus n’est besoin d’être , misanthrope pour ajouter qu’avec cet épuisement de la faculté esthétique, la mortification de la conscience semble aujourd’hui en train de s’accomplir. Le sentiment qui domine, en effet, parmi les masses, ce n’est pas réellement un besoin d’art, c’est un besoin de luxe : ce qui n’est pas tout à fait la même chose ; besoin qui fait que l’art de boire, manger, jouir, est positivement le premier ; celui de la toilette, le second : après quoi il n’y a plus, sous cet épiderme vermillonné et clinquant, que pourriture et misère. J’entends beaucoup chantonner et pianoter : cela prouve-t-il qu’on ait vraiment le goût de la musique ? La musique n’est-elle pas