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PAR LES ESSAIS DE M.  COURBET

grandiose, comme si l’homme, dans sa plus haute dignité, n’existait que pour souiller de son indélébile corruption l’innocente nature : voilà, en quelques lignes, ce que s’est avisé de représenter Courbet. Encore s’il s’était contenté, pour épancher sa verve, de quelques pieds carrés de toile ! Mais non, il a bâti une immense machine, une vaste composition, comme s’il se fût agi du Christ sur le Calvaire, d’Alexandre le Grand à son entrée en Babylone, ou du Serment du Jeu de paume.

Aussi, lorsque cette joyeuseté picturale parut devant le jury, il y eut clameur de haro ; l’autorité décida l’exclusion. Mais Courbet récrimine : plus que jamais il accuse ses confrères, en masse, de méconnaître la pensée intime et la haute mission de l’art, de le dépraver, de le prostituer avec leur idéalisme ; et il faut avouer que la décadence aujourd’hui signalée par tous les amateurs et critiques n’est pas peu faite pour donner au proscrit au moins une apparence de raison. Qui a tort, du soi-disant réaliste Courbet, ou de ses détracteurs, champions de l’idéal ? Qui jugera ce procès, où l’art lui-même, avec tout ce qui le constitue et qui en dépend, est mis en question ?

Je n’entends nullement me faire ici le prôneur ou garant des fantaisies de M. Courbet. Qu’il soit estimé à sa juste valeur, conformément aux principes et aux règles de l’art, c’est tout ce que je souhaite à cet ar-