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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

Travail stupide, qui naturellement exclut l’imagination, la verve, l’originalité, et ramène l’art, un instant affirme par les premiers maîtres, à une simple besogne de copiste et de praticien. Sous ce rapport, il n’est pas d’artistes qui aient été autant maltraités par la critique que M. Ingres : comment donc a-t-il conquis cette immense réputation qui, après lui avoir ouvert l’Institut, l’a porté au Sénat ? La raison, selon moi, en est que notre éducation esthétique est à faire ; qu’après avoir perdu le sentiment chrétien, qui inspira le moyen âge, nous en sommes restés au paganisme de la Renaissance, et qu’en dehors de nos propres portraits, nous ne trouvons rien de plus beau que des déesses nues ou habillées en madones, des dieux nus ou costumés en apôtres, en martyrs ou en Alexandres. Or, mensonge pour mensonge, fantaisie pour fantaisie, le commun des curieux, comme des capucins et des dévotes, préférera toujours un beau, un aimable saint Symphorien, façon Ingres, à un Christ suant le sang et l’eau, d’après les idées du quatorzième siècle.

Je me souviens d’être allé voir, il y a quelque vingt-cinq ans, dans une des salles basses de l’Institut, une Vierge à la Communion par M. Ingres : ce tableau, disait-on, était destiné à l’empereur de Russie Nicolas. C’était une fort jolie personne, en adoration devant le calice et l’hostie, symboles de la communion