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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

vous en préviens, est de gagner ma raison. Ce n’est donc point par vos propres idées et votre propre idéal que vous devez agir sur mon esprit, en passant par mes yeux ; c’est à l’aide des idées et de l’idéal qui sont en moi : ce qui est juste le contraire de ce que vous vous vantez de faire. En sorte que tout votre talent, à vous peintre, de même que le talent du poète, se réduit d’abord, et avant de mettre la main à l’œuvre, à pénétrer nos âmes, à y découvrir l’idéal ; puis à l’exciter, à le provoquer au moyen de votre miroir d’artiste ; finalement, à produire en nous des impressions, des mouvements et des résolutions qui tournent, non à votre gloire ni à votre fortune, mais au profit de la félicité générale et du perfectionnement de l’espèce.

Je l’ai dit je ne sais plus où : les poëtes et les artistes sont dans l’humanité comme les chantres dans l’église ou les tambours au régiment. Ce que nous leur demandons, ce ne sont pas leurs impressions personnelles, ce sont les nôtres ; ce. n’est pas pour eux-mêmes qu’ils peignent, qu’ils chantent ou jouent de leurs instruments, c’est pour nous. D'où il résulte que ce qui les fait admirer et applaudir, ce qui les rend célèbres ne vient pas d’eux ; ils n’en sont que les fidèles et retentissants échos ; ce qui fait les miracles de la poésie et de l’art est la faculté idéaliste, non d’un individu, mais d’une collectivité. Que si cette obédience déplaît aux artistes, s’ils prétendent chanter et peindre