Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée
108
ÉVOLUTION HISTORIQUE

Or, comme les facultés de raison et de goût ne sont point proportionnelles l’une à l’autre dans aucun sujet ; comme la rationalité d’une œuvre d’art n’est point la mesure du talent qu’y a dépensé l’artiste, ni la rigueur du raisonnement la garantie de l’excellence du goût chez le critique, j’ai pris pour règle, dans les jugements qu’on va lire, et au rebours de ce que font la plupart des écrivains qui s’occupent de ces matières, d’insister avec force sur l’appréciation morale et rationnelle, dont je me crois plus sûr, mais de ne présenter qu’avec réserve mon appréciation esthétique, qui pourrait m’être purement personnelle[1]. De la sorte, je laisserai le lecteur juge en dernier ressort, entièrement libre de son ’sentiment, tout en ne négligeant rien de ce qui peut servir à le motiver.

DAVID


Lorsque j’étais étudiant à Paris, il m’arrivait quelquefois le dimanche d’aller visiter la galerie du Louvre. Là je m’arrêtais presque toujours, pendant quelques instants, devant le Léonidas aux Thermopyles. J’aimais, je l’avoue, cette peinture héroïque ; je sentais un soupir naître dans ma poitrine, mes yeux devenir humides,

  1. Celui qui raisonne le mieux n’est pas pour cela celui qui a le meilleur goût ; il s’en faut immensément. C’est pourquoi le critique d’art doit être fort circonspect : il n’est pas de matière où la critique soit sujette à commettre de plus lourdes bévues.