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nous sommes à la remorque de l’Angleterre, tantôt pour la guerre à la Russie, tantôt pour le libre-échange, tantôt pour l’unité italienne. Nos patriotes pouvaient-ils moins pour la théorie de Cobden, le rêve de Bastiat, la toquade de M. Jean Dolfus, le dada de M. Chevalier, qui a si heureusement chevauché déjà la question de l’or ? Le libre-échange, en effet, la guerre aux monopoleurs en masse, n’est-ce point aussi la Révolution ?... Jamais ces puissants raisonneurs ne viendront à bout de comprendre que la masse des monopoleurs d’un pays est la masse de la nation, et qu’à faire la guerre à cette masse, il y a toujours grave péril, quand il n’y a pas souveraine iniquité[1].


Qu’a voulu la Démocratie en prenant, de la manière qu’elle l’a fait, parti dans la guerre des États-Unis ? Faire parade de philanthropie, surtout contenter sa manie unitaire. Liberté, Égalité, Fraternité ! s’est-elle écriée : guerre à l’esclavage, guerre à la scission, c’est toute la Révolution. Pour cela elle a poussé le Nord contre le Sud, enflammé les colères, envenimé les haines, rendu la guerre dix fois plus atroce. Une part du sang répandu et des misères qui en Europe sont le contre-coup de cette guerre fratricide,

  1. Dernièrement un filateur, devant qui l’on déplorait, au point de vue de l’intérêt français, la guerre d’Amérique, dit que cette guerre, dans laquelle tout le monde voyait une calamité, serait pour notre commerce et notre industrie un bienfait. — Et comment cela ? — C’est, ajoutait-il, que l’Angleterre, qui manque comme nous de matière première, garde pour elle-même ses marchandises, et que pendant ce temps-là nos manufacturiers et nos négociants pourront se mettre en mesure de lui tenir tête. Quel éloge du libre-échange !