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qu’à l’aide de la raison pratique, et Dieu ne grandit que de la Justice acquise de l’homme.

Dieu est l’ombre de la conscience projetée sur le champ de l’imagination. Dès lors que nous prenons cette ombre pour un soleil, il est fatal que nous nous égarions dans les ténèbres.


CHAPITRE IV.

Rome et les empereurs.

XXIX

Dans l’origine, le peuple romain ne se distingue par aucune qualité éminente : il n’a pour lui ni la beauté, ni la stature, ni la noblesse, ni le génie. Une langue rude et hérissée, de grossières légendes, nulle poésie, point de science, point d’art, point de mythes : aucune nation ne paraît plus dépourvue de grâce et d’idéal.

Les traits de sa rustique ignorance éclatent à chacun de ses triomphes, dans la guerre contre Pyrrhus, dans les guerres puniques, au sac de Corinthe.

Ses institutions, ses lois, ses dieux, rien chez lui n’est indigène. Il tire tout du dehors : il est Sabin, Étrusque, Grec, Phrygien, Carthaginois ; il est tout le monde, hors lui-même. De son fonds laboureur, mangeur de légumes, ne connaissant de noblesse que celle de la fève, du haricot, du pois chiche et de la lentille. Sait-il la guerre mieux que les Grecs ? Non, certes. Est-il plus brave que ses voisins, les Volsques, les Samnites, les Gaulois ? Non, encore. Qu’a donc pour lui ce peuple qui, dès le jour où Romulus pose la première pierre de sa ville, se croit préféré de Jupiter ?