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qu’on viendra parler encore de vrai et de faux Dieu, de traie et de fausse religion ?

Dieu, ou l’idéal, et sa religion, sont les mêmes dans toutes les professions de foi. C’est toujours l’accusation contre la nature humaine ; et il n’y a qu’une religion sur la terre, un seul dogme, une seule discipline, un seul idéalisme, lequel se résout toujours dans l’abandon de la Justice et la confiscation de la liberté.

Quand on nous referait un dogme cent fois plus profond que celui de Thomas d’Aquin et de Scot, à quoi servirait-il, si, comme je l’ai démontré à satiété, l’esprit de la religion et sa tendance sont immuables, s’il s’agit toujours, au nom de l’Absolu, d’humilier l’homme, de gouverner par la raison d’État, de rompre la balance économique, et de maintenir, par autorité de mysticisme, l’inégalité ?

Le rôle des religions est fini : elles sont convaincues d’incapacité morale et juridique par essence ; voilà ce qu’il faut opposer sans cesse aux nouveaux religionnaires.

Et pourquoi, encore une fois, incapables ? Parce que, comme il a été observé plus haut, l’idéal est donné, ou plutôt suggéré par le réel, non le réel par l’idéal. Ce n’est pas dans le ciel intelligible, comme disait Aristote, qu’il faut chercher la cause du mouvement et de la création ; c’est dans la création, au contraire, qu’il faut chercher le ciel intelligible. De même pour l’ordre moral : que l’idéalisme s’appelle théologie, poésie, art ou politique, il est la glorification de la conscience ; il ne saurait être pris pour sa loi.

Ne perdons jamais de vue cet axiome de la logique éternelle : Nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu ; ce que nous pouvons traduire : L’idéal ne se soutient que porté par le réel, la raison esthétique ne marche