Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/621

Cette page a été validée par deux contributeurs.

TABLE



progrès et décadence.


[Argument. — S’il avait été possible que l’humanité demeurât fidèle à la pensée religieuse par laquelle s’ouvre son existence, malgré l’accumulation de ses découvertes, le progrès de son industrie, les évolutions de la politique, elle aurait vécu dans un état de décadence non interrompue ; comme l’enfant scrofuleux, elle serait née pour pourrir ; sa destinée, hideusement pervertie, aurait été une longue décomposition. Il y a de cela une triple cause : 1o L’homme, en vertu de sa religion, incrédule à lui-même, n’a de foi qu’en la Divinité, ce qui fausse en lui et bientôt arrête le mouvement de la justice ; 2o En vertu de la même religion, il suit l’idéal plutôt que le droit, et se perd par l’idolâtrie et la débauche ; 3o La société, toujours par l’effet de ce culte, conçoit une idée fausse de sa destinée, qu’elle assimile à celle des existences inférieures ; en sorte que, comme sa pensée est tournée vers la mort, ses institutions et sa tendance l’y poussent fatalement. Et l’histoire prouve que telle en effet, ou peu s’en faut, a été jusqu’ici la vie de l’humanité : cette vie n’est pas précisément continue, elle se compose d’une suite d’existences collectives placées bout à bout, se transmettant de l’une à l’autre le flambeau de la civilisation, mais qui toutes finissent misérablement, comme si elles n’avaient reçu de force vitale que ce qu’il en faut pour traîner plus ou moins longtemps leur agonie.

La Révolution, en nous apprenant à déduire de la théorie de la Justice et de la Liberté la théorie du Progrès, met un terme à ce désespoir. Elle démontre, par la logique et par les faits, que si la