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droit et de toute morale ; nous n’hésitons pas cependant à déclarer que, si cette revendication est juste, l’Église est prête à y satisfaire, parce que l’Église n’est établie qu’en vue de la Justice, et que son fondateur s’étant sacrifié pour la Justice, elle ne peut désirer rien de plus glorieux pour elle que de se sacrifier à son tour pour la Justice.

Avec la Justice pour principe, Sire, il n’y a plus, ainsi que vous l’avez dit vous-même, il ne peut plus y avoir de partis : car nul ne peut vouloir plus que la Justice, moins que la Justice, autrement que la Justice ; hors de la Justice, il n’existe pas de drapeau, pas de cocarde, pas même d’intérêt. Devant la Justice, toute classification sociale, toute nuance d’opinion disparaît : bourgeoisie et plèbe, conservateurs, progressistes, rétrogrades, sont des mots dépourvus de sens. Pas plus d’exagération à craindre que de modérantisme. Ni blancs, ni rouges, ni tricolores ; ni aristocrates, ni démocrates. Un même esprit anime les citoyens : la spontanéité populaire n’a plus rien de dangereux ; le suffrage universel, que nous avons vu, par l’intelligence, à la hauteur des champs de mai de Clovis et de Charlemagne, devient aussi calme, aussi sage que votre sénat. Les trois dynasties elles-mêmes peuvent se réconcilier : ne semble-t-il pas que tel ait été le vœu secret de la France, quand, par trois fois, en 1789, en 1830 et en 1848, elle choisit les trois couleurs ?

Sire, un bruit, répandu par la malveillance, circule parmi les masses : La monarchie, dit-on, ne veut pas le bien du peuple ; elle ne veut pas la Justice. En eût-elle la volonté, elle n’en aurait pas le pouvoir ; son principe s’y oppose. Entre la monarchie et la Justice, il y a incompatibilité essentielle, traditionnelle… Démentez, Sire, ces insinuations calomnieuses ; montrez que vous voulez, que vous pouvez, que vous savez, et puisse Votre Majesté vivre longtemps, votre dynastie toujours !…