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et positif comme une équation d’algèbre. Qui eût osé jadis, en présence de telles fureurs, sous un gouvernement irrité et qui a la force, témoigner de son intérêt pour des régicides ? Eh bien ! nous ne refusons pas une certaine sympathie aux malheureux qui, égarés par le trouble de leur conscience, se dévouent à ce qu’ils croient le salut de leur église ; ce nous est même une consolation, dans l’immoralité qui nous submerge, de voir que l’attentat d’un Orsini, si absurde dans ses motifs, si nuisible à la démocratie à cette heure décimée, aura du moins servi à réveiller le sens moral chez des gens qui n’en montraient plus. Nous déplorons le régicide, non pas seulement par des considérations de philanthropie vulgaire, mais parce qu’il accuse la scission de la société, parce qu’il nous prouve que la Révolution n’est pas faite, et qu’elle n’est pas faite parce que la spiritualité n’en est pas comprise.

Pourquoi maintenant, Monseigneur, ne nous entendrions-nous pas, vous et moi, pour proclamer, chacun dans notre sphère d’action, ces grandes vérités ? Je dirais à mes coreligionnaires :

Socialistes et rouges, laissez, selon la parole de l’Évangile, les morts exécuter les morts. Le système des droits et des devoirs trouvé, la poursuite de la tyrannie ne vous appartient plus ; c’est pratique de réacteurs, que votre conscience révolutionnaire vous interdit. Vous n’êtes plus de cette société en plein suicide : ce qui s’y passe pour ou contre le chef de l’État est au-dessous de votre horizon. Que l’établissement politique change de titre et de titulaire, tant que la conscience du pays sera ce qu’elle est, vous n’avez pas même, à l’égard de cet établissement, de vœux à former. Que vous importe le prince, dès lors que le système vous demeure hostile ? Le mal que vos ennemis ont voulu vous faire, ils l’expient : n’arrêtez pas