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sans morale ; elle vit de transactions, joue à la bascule ; elle aime à pêcher en eau trouble, et plus que l’empereur elle hait les idéologues. Certes le gouvernement de juillet n’eut rien de tyrannique ; cependant, c’est à partir de 1830 que la démocratie, reprenant la tradition jacobine, semi-bourgeoise, entre dans la voie du régicide, où la poussent et l’encouragent les intrigues et les coalitions parlementaires, où la suivent les conspirateurs de la rue des Prouvaires et de la Vendée. On se demande quelle rage pouvait armer le bras d’un Alibaud, d’un Darmès, d’un Morey ? La même que celle qui fit accuser le dernier ministère de Louis-Philippe par M. Odilon-Barrot, et qui conduisit au banquet du 22 février M. de Lamartine.

Nous sommes en république. Le Gouvernement provisoire saura-t-il de quel esprit il procède ? Saura-t-il formuler, organiser le droit des masses, interroger la conscience sociale, prendre la direction des mœurs publiques, si gravement outragées par le dernier gouvernement ? Hélas ! il fut honnête, le Gouvernement provisoire, mais aussi étranger à l’esprit de la Révolution que les bourgeois de la veille, devenus les conseillers du lendemain. Si, se disaient les démocrates, nous pouvions rallier l’Église ! Nous aurions enfin ce spirituel qui nous manque, et dont le défaut nous fera périr tout à l’heure… Ce fut, comme tout le monde sait, l’idée de M. Buchez et de son école. Visiblement la République n’est pas née viable ; les énergiques du parti, qui s’en aperçoivent, somment le Gouvernement provisoire, incapable de résoudre la question du spirituel, d’entretenir l’agitation dans le temporel : comme si les révolutions n’avaient pas pour but de faire cesser les agitations !…

La période de 1848 à 1852 ne fut qu’un long régicide. — Où, demandez-vous, est ce régicide ? — Dans les manifestations et contre-manifestations de mars, avril, mai 1848 ;