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mes. Qu’est-ce que cela, sinon l’affirmation du despotisme ? Je n’examine pas si les prétentions d’Orsini étaient justes, je demande au nom de quelle religion agissait cet homme. Quelle conscience le dirigeait ? Que savait-il de la Révolution pour en parler ? De quel droit, caporal bombardeur, disposait-il de trente-six millions d’existences ? Et qui ne voit ici qu’en s’adressant à l’omnipotence impériale, il faisait fi de la volonté de la nation ? Même quand il s’agit de la liberté et de l’égalité, un chef d’état ne doit exécuter que ce qui a été résolu dans les conseils du pays ; toute initiative personnelle de sa part est usurpation ; quels que soient son titre et ses prérogatives légales, en réalité il règne et ne gouverne pas.

Il plaît à Orsini de conjecturer que, l’Empereur enlevé la démocratie lui succède, et qu’elle exécute ce qu’il n’a pas convenu au chef actuel de l’état d’entreprendre. Quelle garantie, d’abord, pouvait avoir Orsini de cette succession ?….. Puis, quand même les démocrates, passant sur le corps de l’Empereur, seraient remontés au pouvoir, qu’est-ce qui prouve qu’ils eussent dû faire et qu’ils eussent fait en 1858 autre chose que ce qu’ils ont fait en 1848 ? Jusqu’à ce que la foi révolutionnaire soit exposée, la démocratie n’est en France, comme la bourgeoisie et l’orléanisme, qu’un parti, un intérêt ; ce n’est rien d’universel, rien de légitime. La démocratie, pas plus que l’orléanisme ou l’empire, ne représente la conscience du pays, n’en exprime le spirituel. Eût-elle convoqué le peuple dans ses comices, comme en 1848 ? Si oui, les espérances fondées sur le régicide risquent d’être outrageusement trompées ; si non, c’est le despotisme. Ici se traduit la pensée de dictature qui circule, en même temps que celle de régicide, parmi les masses : c’est pourquoi nul républicain aimant la liberté, l’égalité, la Justice, ayant le respect des formes légales et des vo-