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d’éléments ; bien plus, elle devient contradictoire, et nous nous achoppons à une antinomie analogue à celle que soulève la question de la peine de mort.

La théorie n’a nulle peine à établir que le sujet en qui la conscience est éteinte peut et doit être occis ; mais comment constater une pareille extinction de la conscience ? L’homme a beau s’enfoncer dans le crime, il est toujours homme ; la conscience ne meurt jamais en lui tout à fait. C’est pour cela que, chez les nations chrétiennes où la peine de mort est en usage, on a soin de réconcilier le condamné : comme si la société le priait de consentir à son propre supplice, de faire de sa mort un sacrifice volontaire à la sécurité publique, en un mot, de moraliser son trépas par son dévouement.

Il en est ainsi du tyrannicide. Sans loi positive qui le détermine, il est contradictoire dans les termes, dès lors impuissant, nuisible même à la cause qu’il prétend servir, partant injuste.

Le tyrannicide est contradictoire, je veux dire par là qu’au moment même où la conspiration frappe le prétendu despote, il affirme lui-même le despotisme : nous venons d’en avoir un exemple dans Orsini.

Je n’ai nulle envie de dégrader ce supplicié : je sais qu’il faut ménager les religions populaires, quelles qu’en soient les idoles ; et Orsini, par la dignité de ses derniers moments, est devenu, comme Jacques Clément, pour beaucoup de monde un saint. Mais Orsini s’est trompé : en pareil cas, l’erreur est criminelle. Il voulait que Napoléon III, aujourd’hui maître des affaires, proclamât l’indépendance de l’Italie, déclarât, pour soutenir cette indépendance, la guerre à l’Autriche, à la Prusse, à toute l’Allemagne, à l’Angleterre, déchaînât sur l’Europe la Révolution, en deux mots décrétât, en vertu de son autocratie, la liberté des peuples et l’égalité de tous les hom-