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de son patriotisme. J’accorderai donc qu’étant donné le tyran, le tyrannicide peut sembler, en principe, légitime : jusque-là, je puis souscrire à l’opinion de Platon et du R. P. Mariana. Reste à savoir quel parti nous allons tirer, pour l’application, de ce principe, puisque sans application le principe est inutile, c’est-à-dire nul.

La punition d’un tyran, pour être régulière et juste, suppose : 1o qu’il existe une conscience, au nom de laquelle le chef de l’état peut être poursuivi ; 2o qu’on a défini la tyrannie. Car il est clair que, si l’accusation de tyrannie est abandonnée au sens privé de chaque individu, la certitude du crime disparaissant avec l’authenticité de la loi qui le punit, au lieu du tyrannicide nous n’avons plus que l’arbitraire des égorgements et la réciprocité de l’assassinat.

Or, en fait, et pour ce qui touche la communauté juridique ou le spirituel, la société n’est pas mieux constituée aujourd’hui qu’elle ne l’a été pendant tout le moyen âge et sous les successeurs de Jules César ; le divorce existe toujours, à telle enseigne que nous en avons fait un principe de droit public, une loi de l’État. Chez nous le spirituel est systématiquement séparé du temporel, ce qui veut dire que nous n’avons pas de conscience commune, pas de foi juridique, pas d’esprit de famille, et que même nous nous sommes interdit, de par nos pragmatiques sanctions, nos constitutions et nos concordats, d’avoir chez nous rien de pareil. Comment donc pouvons-nous accuser le prince de tyrannie, c’est-à-dire de forfaiture à la conscience publique, quand nous ne savons pas nous-mêmes ce qu’est cette conscience ? Pas de loi, pas de crime : c’est le premier axiome du droit pénal.

En droit, la constitution spirituelle, qui seule pourrait légitimer une accusation de tyrannie, n’existant pas, l’accusation elle-même ne peut se formuler, elle manque