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de même tant que la Révolution ne sera pas définitive.

Voix de droite : Prédicateur d’assassins !

Voix de la montagne : Mort aux tyrans !…

Et me voilà convaincu, par mes paroles et par mon parti, d’avoir entrepris l’apologie du plus grand des forfaits.

— Citoyens, répondrai-je à mes interrupteurs, j’ai reconnu, et puissé-je l’assumer toute sur ma tête, la complicité morale ; mais, loin que je m’en vante, j’aurais plutôt envie d’en pleurer. Accordez-moi dix minutes, et vous jugerez en connaissance de cause.

Nous savons ce qui produit le régicide : nous pouvons en apprécier la moralité. Quelle moralité étrange ! Ici le pour et le contre se trouvent tellement connexes, qu’une solution franche devient impossible. Écoutez cette proposition :

On peut toujours poser un cas de régicide tel que la conscience publique prenne parti pour l’assassin contre le prince ; mais dans ce cas-là même il existe toujours des raisons qui font du régicide, au point de vue du droit et de la morale, un acte exorbitant, un crime, dont le fanatisme du coupable peut seul atténuer l’horreur.

N’insistons pas sur la première partie de la proposition : c’est une de ces thèses qu’il n’est pas bon de développer devant les imaginations faibles, que le vertige du meurtre entraîne plus aisément que l’attrait de la charité. Qu’il me suffise ici du témoignage de Platon. Le nom de tyran, dit ce prince des moralistes, implique dans sa définition quelque chose de si noir, que la conscience se refuse à condamner le citoyen qui se dévoue pour en purger la patrie. Et force nous est d’avouer qu’il y a du vrai dans ce jugement, quand nous voyons quelle pitié a excitée, en faveur d’un Orsini, la simple allégation