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grands esprits qui concoururent à son œuvre, Horace, Tite-Live, Ovide, Mécène, Agrippa, Auguste lui-même, les deux Sénèque, Tacite, les deux Pline, les Antonins, toute l’école des jurisconsultes.

Comment recréer le spirituel dans une cité qui l’a laissé périr ? Comme science, c’est le produit du temps, et le temps n’est pas venu ; comme religion ou symbolique, cela échappe aux spéculations du génie aussi bien qu’à la puissance des chefs d’état, ce n’est l’affaire ni d’une assemblée de sénateurs ni d’une école de philosophes : c’est une création spontanée, qui vient on ne sait d’où, se pose on ne sait comment, se développe sans qu’on la voie, et de gré ou de force se fait suivre.

Donc le spirituel de la nouvelle Rome se reforme en dehors de l’action impériale, venant un peu de partout, et, de quelque part qu’il arrive, se dressant contre César : l’empire est condamné sans rémission. L’empire ne subsistera quelques siècles que pour enterrer le paganisme, et féconder, d’abord par la persécution, puis par la faveur, la nouvelle Église. Partout, hormis dans l’état, la spiritualité se montre ; les spirituels ou puritains (gnostiques) pullulent, vrai déluge de religionnaires : stoïciens, platoniciens, pythagoriciens, cyniques, mages, juifs, égyptiens, chrétiens, enfin. Et comme, cette fois, en raison de la diversité de leur origine, le spirituel ne peut soumettre entièrement le temporel, ni le temporel s’assimiler le spirituel, comme ils restent fatalement distincts, et rendent par leur scission la famille bâtarde, le parricide sévit de plus en plus, et la lutte s’engage, à perpétuité, entre le Christ et l’empereur…

Ainsi ce qui caractérise l’extinction du spirituel, ou son divorce d’avec le temporel, dans une société, est le régicide. Non que j’accuse les persécutés, chrétiens ou autres, d’avoir attenté à la vie des césars : ils n’avaient