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À priori nous savons donc une chose : de quelque manière qu’on entende le spirituel, qu’on le prenne pour le système d’idées religieuses qui, selon l’Église, sert de base à la Justice, ou bien pour l’organisme juridique dont nous avons fait la physiologie ; quelle que soit en outre la démarcation qu’il plaise de mettre entre ces deux grandes catégories d’intérêts, le spirituel et le temporel ne peuvent subsister l’un sans l’autre ; ils doivent marcher à l’unisson ; ils sont connexes, solidaires, pour ne pas dire identiques, et se déroulent, chacun de leur côté, en deux séries homologues. D’où il suit que, si le soin du temporel et du spirituel peut donner lieu à deux sortes de devoirs, par suite à deux espèces de fonctions, ceux qui exercent ces fonctions doivent être animés toujours du même esprit, obéir à la même foi, relever de la même conscience et de la même autorité. C’est ainsi que dans la constitution de l’État le pouvoir judiciaire a été séparé du pouvoir législatif, ce qui ne l’empêche pas de faire corps avec lui ; entre ces deux pouvoirs il y a différence, et pourtant unité. La même chose doit exister entre le temporel et le spirituel.

Dans les sociétés primitives, qui ne furent que le développement spontané de la juridiction familiale, la communauté de conscience, exprimée par la religion, se soutint longtemps : le spirituel et le temporel étaient intimement unis, pour ne pas dire confondus. Il en fut ainsi à Rome jusqu’à la dictature de César. L’église païenne ne se distinguait de l’état qui lui était corrélatif que d’une manière purement fonctionnelle, comme les branches du travail dans la production ; le même homme pouvait passer d’un ordre de fonctions à l’autre, souvent les cumuler : on sait que ce fut en qualité de souverain pontife que César réforma le calendrier. Entre le sacerdoce et la magistrature les conflits d’attributions ne