Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/566

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pect du magistrat, de même que le respect du père de famille, est, selon moi, un sentiment trop naturel à l’homme civilisé, trop intime à sa conscience, pour qu’il cède si aisément à la fougue de la passion et du libre arbitre. Il faut qu’une cause plus profonde oblitère ou du moins neutralise ce respect inné : sans quoi la faculté juridique, dont nous avons reconnu la réalité, les règles et jusqu’à l’organisme, se réduirait toujours à rien, puisqu’il n’y a pas de circonstance dans laquelle le simple citoyen ne pût dire au magistrat, à celui qui, revêtu des insignes de la Justice publique, en accomplit les actes au nom de tous : « Je respecte la Justice ; mais vous, je ne vous connais pas. » Niez le fonctionnaire, en effet, vous niez la fonction ; niez l’organe public du droit, vous niez le droit : c’est à cela, ne vous y trompez pas, que se ramène l’attentat à la personne du souverain.

Comment donc, en une société, se perd le respect du prince : là est toute la question, là est le secret du régicide.

De tout temps on a distingué dans la société deux grandes catégories d’intérêts, donnant lieu à deux natures de pouvoirs : ce sont, je me sers du langage reçu, les intérêts temporels, et les intérêts spirituels.

Il n’est pas possible de donner des uns ni des autres une définition exacte : il en est du temporel et du spirituel des nations comme de tout ce qui tient à la vie : ces choses-là s’exposent, elles ne se définissent pas. Tout ce que peut la logique est de classer les faits d’après les cas réputés non douteux : ainsi, tandis que le travail, le commerce, le commandement des armées, l’administration du domaine public, sont du temporel, le culte, la direction des consciences, les choses de la foi, sont du spirituel. Mais à quelle catégorie rapporter la philosophie et le droit, l’instruction publique, les institutions pénitentiaires ? Ici l’on hésite : les uns les attribuent au