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à elle-même, devient à son tour un foyer d’infection pour celles qui l’approchent.

Pour conjurer ce péril, la société possède deux moyens : 1o développer le sens moral dans chacun de ses membres par les excitations puissantes de la conscience collective : je n’insisterai pas davantage sur ce sujet ; 2o exiger la réparation des crimes et délits. En quoi consiste cette réparation, à quelle condition et à quel titre la société peut-elle la demander : c’est ce que nous avons à voir.

II

La société a-t-elle le droit de punir ?

Les philosophes bataillent, et le problème est encore à résoudre.

Tandis que l’Église invoque le droit divin, c’est-à-dire le mandat reçu par elle de guérir les âmes, et, s’il y a lieu, d’exécuter les corps des contempteurs de la loi, les soi-disant rationalistes allèguent, les uns la légitime défense, les autres le talion ou la vengeance, ceux-ci la nécessité de l’exemple, ceux-là, qu’on pourrait appeler semi-théologiens, la salubrité mentale et le bien des coupables. M. Oudot, le dernier venu de ces semi-théologiens, adoptant les idées de Platon, Grotius, Leibnitz, Bossuet, auxquels se joignent MM. Cousin, Jules Simon et Jean Reynaud, s’exprime en ces termes :

« Toute créature qui dévie se blesse elle-même. L’auteur d’une infraction à l’ordre a reculé dans la voie de son perfectionnement ; il a diminué en lui la possibilité de collaborer au bien commun. Il faut qu’il regagne le temps perdu. Il faut un contrepoids aux premières influences de l’habitude fâcheuse qu’il tend à contracter. Ce contrepoids, c’est la punition… »

Voilà ce que l’auteur de Conscience et Science a trouvé de plus probable sur le Droit de punir ; cela dit, il passe à l’application, comme s’il ne s’agissait que de dresser la potence.