Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/522

Cette page a été validée par deux contributeurs.

facer, elle est un baume pour les blessures du cœur, un bandage qui guérit de toute affliction (Ps. cxlvi).

Aussi quel orgueil chez l’Israélite quand il se compare aux nations voisines, vivant sans loi, destituées de sens moral, dans une superstition obscène ! C’est alors qu’il se dit le privilégié de Jéhovah, qui l’a nommé son héritier et n’a communiqué qu’à lui ses commandements (Ps. cxlvii).

On a remarqué, non sans étonnement, les imprécations peu charitables que le psalmiste se permet contre les pécheurs, hommes de sang et de péché. On n’a pas fait attention qu’il entend par là les races demeurées dans la barbarie originelle, vivant en dehors de la Justice et de ses lois. C’est de cette espèce qu’il parle lorsqu’il dit : Du ciel Jéhovah a baissé ses regards sur les fils des hommes (anthrôpoï, faces humaines, c’est-à-dire les incivilisés), voir s’il en était un parmi eux qui fît le bien et qui cherchât Dieu. Et ailleurs, quand il s’écrie : Ne les tueras-tu pas, Ô Dieu, ces impies ; ne les tueras-tu pas ces anthropophages (viri sanguinum), qui osent prétendre que tu as en vain fondé nos villes ? Je les hais d’une haine cordiale (Ps. cxxxviii et cviii, cxxxvi).

L’horreur de la sauvagerie est commune à toute l’antiquité. On en retrouve les vestiges sur les peintures murales de l’antique Égypte ; c’est elle qui amena l’extermination des indigènes du Canaan, d’abord par les Philistins, puis par les Israélites. L’épithète de barbare, qui chez les Grecs et les Romains exprimait la même pensée, était plus qu’une insulte, c’était un arrêt de servitude, et bien souvent de mort.

Je trouve dans le recueil d’Anacréon une prière, litaneïa, adressée à Diane par les habitants d’une ville qu’assiégeaient des barbares ; je ne sais si on l’a bien comprise :

Je m’agenouille devant toi, chasseresse,
Blonde fille de Jupiter, souveraine
Des bêtes fauves, ô Artémise !
Viens aujourd’hui sur cet abime de mort ;
Regarde d’un œil favorable une ville aux guerriers généreux
Tu ne protèges pas une horde de sauvages.