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blesse à la postérité, tel est désormais la pensée qui remplit l’âme du père de famille.

Il y a dans l’amour un moment d’enthousiasme que ne connaissent ni le sensualiste voluptueux, ni l’amant platonique, c’est quand, après les premiers jours de bonheur, l’homme est saisi tout à coup, au sein des joies conjugales, de l’idée de paternité. Relisez dans Milton la prière d’Adam appelant la bénédiction du ciel sur son premier engendré : les sens, l’idéal, l’amour, tout a disparu ; il n’est resté que la Charité et la Conscience, déesses des unions saintes et des conceptions immaculées. Toutes les nations ont consacré cette fête sublime de la paternité par une institution qu’une Justice plus rigoureuse a dû plus tard abroger, la primogéniture.

L’enfant est donné, Parvulus natus est nobis ; c’est un présent des dieux, A-deo-datus, une incarnation de la divinité présente, Emmanuel. On le nourrit de lait et de miel, jusqu’à ce qu’il apprenne à discerner le bien au mal : Butyrum et mel comedet, donec sciat eligere bonum et reprobare malum ; c’est la religion de la Justice qui poursuit son développement. Comment, dans l’accomplissement de ce devoir sacré, l’homme ne sentirait-il pas sa noblesse ? Comment la femme ne deviendrait-elle pas splendide ?

De l’époux à l’épouse, la Justice a établi déjà, sans préjudice pour l’amour, une certaine subordination ; du père et de la mère aux enfants, cette subordination augmente encore et fonde la hiérarchie familiale, mais pour s’affaiblir plus tard et se résoudre, après la mort des parents, dans l’égalité fraternelle. Cela veut dire que pendant le premier âge la Justice est une foi et une religion, non une philosophie ou une comptabilité : aussi le respect de l’homme pour l’homme, dégagé maintenant des excitations de l’amour et de l’idéal, atteint son apogée dans le