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merveilles. Comment s’accomplit cette justification ? Par l’impulsion de l’idéal, ce que les théologiens nomment grâce, les poëtes amour. Voilà toute la théorie. L’âge des amours est l’époque de l’explosion du sentiment juridique. Sans doute, la beauté de la femme s’efface avec l’âge ; l’homme lui-même peu à peu obéit à d’autres influences ; mais une fois trempé pour la Justice il ne rétrograde plus ; et c’est un fait que la corruption des sociétés ne commence pas par les générations qui ont aimé, elle commence par celles qui n’ont pas aimé encore, ou qui ont remplacé l’amour par la volupté. Ôtez à la jeunesse la pudeur et l’amour, donnez-lui en échange la luxure ; elle perdra bientôt jusqu’au sens moral : ce sera une race vouée à la servitude et à l’infamie.

Cependant, rapprochés par la grâce, la poésie et l’amour, l’homme et la femme n’en restent pas moins soumis aux conditions économiques de l’existence : il faut travailler, pourvoir, se diriger à travers les difficultés de la vie. Comment vont se régler les conditions de leur alliance, puisqu’en définitive il n’y a pas seulement entre eux pacte d’amour, mais constitution de droit ?

L’homme et la femme s’épousent sous la promesse et la loi d’un dévouement réciproque absolu. L’époux se doit tout entier à son épouse, l’épouse se doit tout entière à son époux. Et telle est la nature de cette réciprocité qu’elle n’a pas pour objet un avantage positif, matériel, comme l’exige la loi de toute société civile ou commerciale : dans le mariage, les avantages matériels ne sont qu’un accessoire, je dirais presque un accident, dont le partage est loin de pouvoir être regardé par les époux comme une compensation de ce qu’ils se donnent. Pour prix des travaux, des combats, des meurtrissures, que l’honneur de la communauté et la gloire de sa femme lui commandent, l’homme recueillera, quoi ? un sourire ; la