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dans lequel l’homme s’admire ; elle lui sert de miroir, comme lui servent à elle-même l’eau du rocher, la rosée, le cristal, le diamant, la perle ; comme la lumière, la neige, les fleurs, le soleil, la lune et les étoiles.

On la compare à tout ce qui est jeune, beau, gracieux, luisant, fin, délicat, doux, timide et pur : à la gazelle, à la colombe, au lys, à la rose, au jeune palmier, à la vigne, au lait, à la neige, à l’albâtre. Tout paraît plus beau par sa présence ; sans elle toute beauté s’évanouit : la nature est triste, les pierres précieuses sans éclat, tous nos arts, enfants de l’amour et de la beauté, insipides, la moitié de notre travail sans valeur.

En deux mots, ce que l’homme a reçu de la nature en puissance, la femme l’a obtenu en beauté. Mais prenez-y garde, la puissance et la beauté sont des qualités incommensurables : établir entre elles une comparaison, en faire l’objet d’un échange, payer des produits de la force la possession de la beauté, c’est avilir cette dernière, c’est rejeter la femme dans la servitude et l’homme dans l’iniquité. Le beau et le juste se touchent par d’intimes rapports, sans doute ; mais ce sont deux catégories à part, qui ne sauraient donner lieu, dans la société, à une similitude de droits, à une égalité de prérogatives.

Constatons seulement que si, sous le rapport de la vigueur, l’homme est à la femme comme 3 est à 2, la femme, sous le rapport de la beauté, est aussi à l’homme comme 3 est à 2 ; que cet avantage ne lui est pas donné sans doute pour la laisser dans l’abjection, et qu’en attendant la loi qui doit régler les rapports des époux, la beauté de la femme est le premier de ses droits comme elle est la première de ses pensées.

Que la jeune fille soit modeste autant que belle, je le veux, la modestie ajoutera à sa beauté ; mais il n’est pas bon qu’elle s’ignore. Aussi je blâme les pédagogues qui,