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vie humaine, enfante ou plutôt développe son être spirituel, qui est ainsi le résultat de sa nature individuelle primitive, et de l’influence générale du monde humain qui l’entoure. Aussi, à mesure que la société s’est développée, l’innéité est devenue un résultat de plus en plus complexe de l’influence paternelle et de l’influence générale du siècle où l’enfant prend naissance…

« Voilà ce qui explique notre possibilité de nous nourrir des produits antérieurs de l’humanité, c’est-à-dire de continuer l’œuvre de nos pères...

« Ce n’est pas que nous soyons supérieurs à nos pères, que les modernes soient supérieurs aux anciens, dans le sens ordinaire du mot. Mais nous apportons dès notre naissance une innéité différente de la leur, qui nous permet d’enter pour ainsi dire notre vie sur la leur.

« Un genre de l’animalité n’est pas supérieur à un autre, tous sont parfaits pour leur vie ; mais un genre de l’animalité est capable de se nourrir des produits antérieurs des genres qui l’ont précédé dans la vie. »


La théorie de M. Pierre Leroux, d’après laquelle chaque terme de la série historique est supérieur à celui qui le précède et inférieur à celui qui le suit, constitue un vrai progrès. L’idée en est prise du règne animal, où les genres et les espèces s’échelonnent suivant une raison croissante ; de sorte que la chaîne ne peut revenir sur elle-même, et tend à l’infini. C’est la négation de la mort, que nous voyons apparaître en tout organisme ; de cette mort universelle que laissent subsister les conceptions historiques d’Aristote, de Florus, de Machiavel, de Vico, de Bonnet, que fait même pressentir la philosophie de l’absolu, comme si, après s’être développé dans la création, l’absolu devait se replier un jour sur lui-même et faire rentrer dans le chaos l’univers.

Mais il s’agit de savoir, d’abord, si ce progrès est réel ; en second lieu, s’il est l’effet de notre libre arbitre ou le produit de la force organo-physique qui anime l’humanité : car, dans ce dernier cas, le progrès étant une con-