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pas ses idées est par là même plus difficile à entraîner par la série dialectique ; d’où il résulte que la femme semble têtue, comme on l’a dit de tout temps, obstinée, indocile, tandis que tout son crime est de vouloir ramener cette certitude théorétique, à laquelle son intelligence répugne, à l’évidence de l’intuition. Pauvre femme !

Suit chez l’auteur une enfilade de lieux communs sur le despotisme de ces méchants sujets d’hommes, qui font, par la tyrannie de leur volonté, perdre la franchise et la sincérité aux femmes. Voilà toute la philosophie de Mme Necker : mauvaise humeur, dénigrement. L’homme est ceci, la femme est cela : mélange de vertus et de vices, les premières données par le Saint-Esprit, les seconds contractés par la suggestion du diable. Tandis que Mme Necker, sévère Aristarque, accuse la faiblesse de la raison chez les femmes, elle ne s’aperçoit pas qu’elle raisonne constamment en femme, et c’est ce qui m’indispose contre elle. De quoi se mêle-t-elle, femme, de vouloir raisonner comme un homme ? J’aimerais autant qu’elle jurât comme un charretier.

Ainsi, elle convient de l’inégalité intellectuelle des sexes. « Mais, ajoute-t-elle, cette inégalité n’est pas aussi grande qu’on croit. » — Eh ! madame, si peu que rien c’est l’infini. Il en est ici de l’intelligence comme de la justification. Pour peu que l’homme ait par lui-même d’énergie justifiable, il a la sainteté ; pour peu qu’il ait de force de conception, il a la science ; dans l’un et l’autre cas, il n’est pas déchu : c’est fait de votre religion. Or, la femme n’ayant de soi ni la justification, ni la conception ou le génie, serait positivement déchue, si elle n’était rachetée par son compagnon. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

« La femme est naturellement plus religieuse que l’homme. »

Certes, oui ; pensez-vous lui faire de cette religion un titre à l’égalité ?

« Les femmes aiment immensément ; elles aiment depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse, sans désirer d’autre bonheur que celui d’aimer. Le mouvement du cœur n’est jamais suspendu chez elles. »