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Andrieux, l’un des littérateurs de l’époque qui ont le plus fait pour la réputation de Mme de Staël. Elle n’eut jamais de plus ardents, de plus sincères enthousiastes. Or, voici ce qui nous arriva. Quinze ou vingt ans après la vogue de cette femme, je m’avisai de relire les œuvres qui d’abord m’avaient causé tant de plaisir, et je fus, comme vous, saisi d’un insurmontable dégoût. Je fis part de mon impression à Andrieux, qui m’en avoua tout autant. Nous rîmes fort de notre mésaventure, mais nous ne nous en vanterons pas. Laissons en paix Mme de Staël. »

C’est ainsi, pour le dire en passant, que se font les célébrités féminines et qu’elles se soutiennent. Les premiers qui, jeunes, y mirent la main, parvenus à la maturité n’osent plus se déjuger ; et il reste établi, parmi les adolescents et les femmes, qu’une Staël balance un Napoléon.

Qu’une femme, entourée de tous les avantages de la fortune et du rang, ayant reçu une éducation hors ligne, vivant au milieu des hommes les plus considérables par la science et le génie, puisse, à une époque de décadence, ou, si l’on veut, de vulgarisation littéraire, publier, sous forme de considérations, de roman ou d’essai, le résumé de ses lectures, conversations, correspondances et impressions, cela peut avoir son utilité et mériter à l’auteur de justes éloges. La nature, qui a fait l’esprit de la femme d’une autre trempe que celui de l’homme, n’a pas entendu que cet esprit demeurât sans manifestation et sans influence. À qui le nierait, je ferais observer que la femme parle, et généralement, avec plus de grâce et de facilité que l’homme : elle doit donc avoir à dire quelque chose. Qu’elle parle donc, qu’elle écrive même, je l’y autorise et l’y invite ; mais qu’elle le fasse selon la mesure et l’essence de son intelligence féminine, puisque c’est à cette condition qu’elle peut nous servir et nous plaire, sinon je la rappelle à l’ordre et lui interdis la parole.

Le défaut de presque toutes les femmes auteurs est qu’elles veulent être hommes, et que, ne pouvant le devenir, pas plus par l’intelligence que par le sexe, elles retombent au-dessous de la femme. À propos de la Révolution, Mme de Staël pouvait