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encore éclate la supériorité de conduite des hommes de la Plaine sur les emportés de la Gironde.

La Plaine, personnifiée en Sieyès, vote la mort du roi sans phrases ; envoie, au gré des événements, au tribunal révolutionnaire, Girondins, Hébertistes et Dantonistes, se lavant les mains des condamnations qui peuvent s’ensuivre ; vote en trois jours la Constitution de 93, salue la déesse de la Liberté, assiste à la fête de l’Être suprême ; puis, éclatant de rire au rapport de Barrère sur le messie de Catherine Théot, d’une chiquenaude met Robespierre et les Jacobins à bas. Tout cela n’est pas fort héroïque, sans doute ; mais le tapage girondin, mais les épurations jacobines, mais les processions maratistes, était-ce donc de l’héroïsme ? Entre partis qui luttent pour le pouvoir, le plus fort n’est-il pas celui qui sait le mieux se contenir et faire servir à ses desseins l’ineptie de ses compétiteurs ? Il y avait aussi des hommes courageux dans la Plaine : Féraud et Boissy d’Anglas le prouvèrent. Mais ils savaient, ce que la Gironde et Mme Roland, les Jacobins et leurs tricoteuses, ne comprirent jamais, qu’en Révolution il y a des frénésies populaires qu’il faut laisser se calmer quand on ne peut plus les retenir ; qu’on n’en finit pas avec l’anarchie et le despotisme par l’assassinat ; que ce ne sont pas les hommes qui font les partis, mais les partis qui font les hommes ; et qu’entre deux folies furieuses qui agitent une nation il n’y a d’autre initiative à prendre que celle de la réserve et du silence. Marat assassiné, Hébert devint le chef du mouvement sans-culotte : ce fut tout le fruit du crime de Charlotte Corday.

XXV

Mme de Staël.

En 1839, je demandai à M. Droz, de l’Académie française, son opinion sur Mme de Staël, lui avouant ingénument qu’ayant commencé, sur la foi de la renommée, la lecture des Considérations sur la Révolution française, et de l’Allemagne, il m’avait été impossible de vaincre mon ennui et d’achever mon entreprise.

M. Droz se mit à rire, et me dit : « Je suis, avec mon ami