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rent, dans l’opinion, les justiciers de la Révolution, l’élément mâle. Leur triomphe momentané était certain.

Quelle merveille qu’avec leur tempérament les Girondins eussent leur Égérie, une héroïne, belle, éloquente, passionnée ? Cela devait être, et cela fut. Les montagnards de 93 n’eurent-ils pas aussi leur Théroigne de Méricourt, comme ceux de 48 leur George Sand ?… La gloire et l’infortune de Mme  Roland étaient dans la logique des circonstances : c’était la reine prédestinée du parti qui d’une main renversait la royauté, de l’autre menaçait Marat et les septembriseurs.

Le fait qui signala l’influence de Mme  Roland est la lettre au roi, du 10 juin 1792, qu’elle rédigea pour son mari.

Tous les historiens ont remarqué le ton impérieux et blessant, l’énergie déplacée, malhabile, de cette épître. Une femme ne pouvait plus mal faire. Pour comprendre tout ce qu’il y a de puéril dans cette œuvre, il faut la rapprocher des fameux messages de la Constituante, inspirés, dictés ou rédigés par Mirabeau et Sieyès. Ici, le respect le plus profond et le plus vrai, joint à une fermeté qui évite de paraître dans le style, et qui, n’existant que dans les choses, triomphe d’autant plus sûrement ; là une vivacité toute de forme, qui laisse voir que la Gironde n’est plus maîtresse de la situation et que les événements lui échappent. Aussi la royauté, comme un fier coursier, obéit à la main de la Constituante ; elle fait sauter la Gironde.

Jamais l’intervention d’une femme ne fut plus funeste : la chute de la Gironde date de ce jour. Avec les rois, il faut parler le langage de la Constituante ou garder le silence de la Convention ; et je me figure que, si la Législative avait été appelée à discuter en séance publique la lettre de Mme  Roland, elle l’eût sévèrement blâmée, tant pour le fond que pour la forme.

À partir de ce moment, l’influence de Mme  Roland se renferme dans son salon. Elle mourut avec courage, mais non sans faste. Jusqu’à l’échafaud elle ne peut s’empêcher de déclamer : Ô liberté ! que de crimes commis en ton nom ! Bien supérieure, à cet instant suprême, m’apparaît l’infortunée Marie-Antoinette, montant à l’échafaud sans prononcer une