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La Gironde est philosophe et se moque à juste titre des capucinades de Robespierre ; et par son affectation de scepticisme elle se fait accuser encore de corruption ; elle ne sait pas prendre la direction de l’esprit public, se poser en défenseur de la morale et du droit, défendre son idée et tenir son drapeau.

La Gironde est révolutionnaire jusqu’à la violence, c’est elle qui décide la chute du trône ; et elle se fait accuser de modérantisme.

Malgré les Jacobins, elle fait déclarer la guerre à l’Autriche, ce qui était la vraie tactique : la victoire la justifie ; et elle se fait accuser de trahison.

On l’appelle le parti des hommes d’État, aveu forcé de la supériorité de leur politique ; et ces hommes d’État sont sans cesse occupés de querelles particulières et de personnalités. Ils s’effrayent de Marat ; ils méconnaissent Danton, ils jalousent Robespierre.

D’où vient que le caractère de ce parti jure si fort avec son idée ? C’est que l’idée ne lui venait pas de son fonds ; il la suivait, mais ne la portait pas : ce qui faisait dire des Girondins en général que, s’ils savaient parler, ils ne savaient point agir, et il y eut du vrai dans ce reproche.

La Gironde, élite bourgeoise, formée de sujets à la nature élégante et artiste, inclinant, par son admiration de l’antiquité, par sa littérature et son éloquence, à l’utopie, était le parti idéaliste de la Révolution, l’élément féminin, par conséquent.

Robespierre et les Jacobins, bien autrement bavards, étaient-ils donc plus hommes d’action, plus forts sur les principes, plus loin du despotisme et des formes de l’ancien régime que la Gironde ? Tout au contraire : c’est le parti de la médiocrité envieuse, de la contrefaçon monarchique, de la roideur sans puissance, du dogmatisme sans portée. Si les Girondins sont les femmelins de la Révolution, Robespierre et ses hommes en sont les castrats. La République de 1848, qui reprit cette tradition, devait en fournir une triste preuve.

Mais les Jacobins affectaient de se tenir plus près du peuple ; s’identifiant avec la Montagne, affichant des mœurs austères, montrant des figures rechignées et des barbes incultes, ils fu-