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tous les contemplatifs, on peut dire que la raison en lui ne dépasse la mesure de la femme que juste de ce qu’il faut pour qu’il ne soit pas femme.

Ce qui ressort de la vie et des écrits de M. de Lamartine, c’est qu’il n’a pas l’intelligence de son époque et de son pays ; il ignore d’où nous venons et où nous allons ; trop instruit pour se payer d’utopies, trop faible de génie pour percer les ténèbres qui l’enveloppent, cherchant le courant providentiel autant que peut le révéler à une âme de poëte le tourbillon des événements, il ne sait jamais quelle route choisir, quelle conduite tenir, quel principe affirmer. De là ce scepticisme qui malgré lui fait le fond de sa philosophie, et lui a donné dès ses débuts un caractère de tristesse, auquel selon moi son caractère est étranger.

J’emprunte les détails qui suivent à l’Histoire de la Révolution de 1848 par Daniel Stern, l’une des plus ferventes admiratrices de M. de Lamartine.

Né à Mâcon, en 1790, d’une famille noble, M. de Lamartine fit ses études avec une rare distinction au collége de Belley, entra en 1814 dans la maison militaire de Louis XVIII, publia ses Méditations en 1820, et suivit jusqu’en 1830 la carrière diplomatique.

Par sa naissance, son éducation, ses sentiments de famille, son inclination personnelle, M. de Lamartine est royaliste, de plus chrétien. Quel bonheur pour lui s’il était né au siècle de Bossuet, alors que rien n’était venu ébranler dans la nation la foi monarchique et religieuse ! Sa poésie eût éclairé le monde, et sa gloire, aussi pure que sa pensée, eût duré plus qu’elle.

Après la Révolution de juillet, M. de Lamartine se tient à l’écart ; il contemple cette Révolution qui était venue donner le démenti à sa muse et déranger sa fortune politique. Puis, croyant reconnaître le doigt de Dieu dans le fait accompli, il publie une brochure où il explique et légitime, aux yeux de la raison et de la foi, l’avénement de la dynastie d’Orléans. Il ne se vend ni ne se donne ; son désintéressement est un sûr garant de sa loyauté. Comme je le disais tout à l’heure, il cherche le