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versaux et des catégories, ou plus simplement des idées.

En principe, cette faculté ne paraît différer de l’intuition sensible que par le degré de puissance visuelle de l’entendement. Ainsi il faut plus d’intensité intellectuelle pour acquérir l’idée de genre que pour recevoir l’image de l’individu : il en est ainsi de toutes les idées, de toutes les découvertes, dans la philosophie, l’industrie et la science. En résultat, cette différence de degré dans la télescopie de l’esprit constitue une faculté distincte, dont la présence ou l’absence, la force ou la faiblesse, donnent au sujet, sous le rapport de l’intelligence, un caractère spécial.

Par exemple, il est de la nature de tout esprit faible, à qui les rapports des choses sont de difficile accès, de tourner à l’idéalisme et au mysticisme : c’est ainsi qu’au début de la civilisation l’esprit humain, sans expérience acquise et sans méthode, aussi incapable d’observer avec exactitude que de formuler des lois, idéalise ses aperçus, crée des fables, et laisse prendre à sa religion, à sa poésie, le pas sur la science.

Tel est encore l’esprit des enfants, des adolescents, de tous ceux que la faiblesse naturelle ou la maladie rapproche, sous ce rapport, de la nature féminine, et que la sévérité de l’observation, la rigueur de la science, rebute.

Il n’est personne à qui il ne soit arrivé, à la suite d’une fatigue prolongée du cerveau, de ne pouvoir plus suivre le fil d’un discours ou saisir l’ensemble d’un raisonnement. L’esprit alors, frappé d’impuissance, semble avoir perdu sa faculté génératrice ; on lit sans comprendre, on écoute sans percevoir le sens des paroles. Il n’est même pas rare de rencontrer des intelligences vigoureuses sur certaines parties de la spéculation, qui semblent perdre leur puissance sur d’autres. Tel mathématicien est incapable de philosopher ; tel jurisconsulte a une peine ex-