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Le phénomène que je viens de décrire peut se produire en sens inverse : il n’est pas rare qu’un voluptueux finisse par un exclusif et solide attachement, et ce qui arrive pour l’amour peut arriver aussi pour la religion ; l’abbé de Rancé, fondateur de la Trappe, en est un illustre exemple.

L

Terminons par un dernier trait cette critique de l’amour et du mariage chrétiens, et résumons toute cette Étude.

Qu’est-ce que l’amour ? se demandèrent les anciens. — C’est Dieu, répondirent d’une voix unanime poëtes et philosophes. Et nous avons vu la société antique, en vertu de cette définition sublime, tomber, comme le Malade de Molière, du mariage dans le concubinage, du concubinage dans la promiscuité, de la promiscuité dans la pédérastie, de la pédérastie dans l’omnigamie et la mort.

Qu’est-ce que l’amour ? se demandèrent à leur tour les chrétiens. — C’est Dieu, répondirent d’une voix unanime les missionnaires de l’Évangile. Et depuis le premier jusqu’au dix-neuvième siècle, la chrétienté a vu tour à tour gnostiques, nicolaïtes, adamites, carpocratiens, condormans, manichéens, etc., maudire la génération et le mariage ; tenir la fornication, l’adultère, l’inceste, pour choses insignifiantes ; se mettre tout nus, femmes et hommes, dans leurs assemblées ; s’accoupler au hasard des ténèbres et donner de leur mieux contentement à la chair, afin de vaquer ensuite, sans distraction du malin, à la contemplation de l’amour pur. Elle a vu la chevalerie déshonorer systématiquement la société conjugale ; le cocuage s’élever, par l’universalité du libertinage, à la hauteur d’une mutuelle