Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/330

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exprimé ou sous-entendu, de toute aventure, c’est à qui des deux trompera l’autre par une plus adroite hypocrisie. Jamais, chez les anciens, hommes et femmes, garçons et filles, ne se firent un tel jeu de la dignité personnelle et de l’honneur des familles. Le magistrat, à défaut du père, du fils, du père ou du mari, aurait sévi d’office : faire descendre, par une amourette, la femme libre au-dessous de la courtisane, était presque un crime de lèse-majesté. Maintenant, grâce à notre galanterie prétendue chevaleresque, nous avons appris à nous traiter les uns les autres en affranchis. Encore si nous avions la passion pour excuse, nous pourrions être coupables, nous ne serions pas dépravés ; mais ce n’est que libertinage, passe-temps, mode. Vitia ridemus, et corrumpere aut corrumpi sæculum vocatur ! Plus de considération ni de rang, ni d’âge, ni d’amitié, ni de morale publique, devant une débauche érigée en une sorte de mutualité, et dont les risques sont acceptés par l’opinion. Pas de famille qui ne paye, par quelqu’une de ses femelles, sa part contributive de chair à plaisir ; mais pas de famille non plus qui, par ses mâles, ne perçoive sa part du revenu. Gardez vos poules, disait devant moi une honnête bourgeoise, mère de trois garçons ; mes coqs sont lâchés !.. À l’amour comme à la guerre : Chacun chez soi, chacun pour soi ! Tant pis pour qui ne se tient pas sur ses gardes. J’ai joui de vous, madame, mademoiselle ; mais je vous ai fait jouir aussi : partant quittes, promesses nulles. Vous n’avez rien à me reprocher ; votre mari, votre père, vos frères, pas davantage. Leurs amours, à eux, couvrent les miennes.

Par malheur, l’éducation n’est nullement en rapport avec cette morale, qui demande une initiation particulière. On prêche tant qu’on peut à la jeune fille la pudeur et la vertu, on la berce de chevalerie et d’amours