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de notre être, dans le plus intime de notre cœur, où l’âme, par une singulière prérogative, reçoit son bien-aimé, non par figure, mais par infusion, non par image, mais par impression… (Bossuet, Sur l’union de Jésus-Christ avec son épouse.)


Peut-être ce matérialisme d’expression, dont les exemples rempliraient des volumes, fut-il nécessaire au commencement pour enlever les cœurs égarés au matérialisme de la débauche, et c’est pourquoi je ne saurais faire de semblables textes un motif d’accusation contre les mystiques. Quelle puissance de chasteté n’a-t-il pas fallu à ces hommes, un saint Bernard, un Fénelon, un Bossuet, pour faire passer un langage qui, appliqué à son objet légitime, serait presque obscène ! Je ne le redouterais même pas, si les conséquences devaient s’arrêter là, pour des enfants. Ce n’est pas dans les paroles que gît le mal ; il est dans l’idée, qui fait de Dieu l’objet d’un amour dont l’union conjugale est déclarée, par article de foi, indigne.

« Adam, notre premier père, s’étant élevé contre Dieu, perdit aussitôt l’empire naturel qu’il avait sur ses appétits. Sa désobéissance fut vengée par une autre désobéissance. Il sentit une rébellion à laquelle il ne s’attendait pas, et la partie inférieure s’étant inopinément soulevée contre la raison, il resta tout confus de ce qu’il ne pouvait la réduire. Mais ce qu’il y a de plus déplorable, c’est que ces convoitises brutales qui s’élèvent dans nos sens, à la confusion de l’esprit, aient si grande part à notre naissance. De là vient qu’elle a je ne sais quoi de honteux, à cause que nous venons tous de ces appétits déréglés qui firent rougir notre premier père. Comprenez, s’il vous plaît, ces vérités, et épargnez-moi la pudeur de repasser encore une fois sur des choses si pleines d’ignominie, et toutefois sans lesquelles il est impossible que vous entendiez ce que c’est que le péché d’origine : car c’est par ces canaux que le venin et la peste découlent dans notre nature. Qui nous engendre nous tue. Nous recevons en même temps, et de la même racine, et la vie du corps et la mort de l’âme. La masse dont